Tes lacets sont des fées. • George.

Bad day. Bad bad day. Oh... J'irai voir Ed demain pour pleurer sur sa large épaule super étanche. Comment vous expliquer ?... En fait ça ne vous regarde pas. Bon passons. Disons juste que hier j'ai passé une sale journée. Mais aujourd'hui je le sens bien. Y'a de bonnes ondes dans le coin. Je me sens d'humeur euphorique, enjouée et généreuse. J'ai envie d'aider le monde entier. Mais pour l'instant, je vais d'abord aider ma garde robe. J'ai un petit besoin de chaussures... C'est pas que celles que j'ai me conviennent plus, c'est que j'aime bien avoir le choix le matin. Le soir aussi d'ailleurs... En fait j'aime bien changer de talons. Que voulez-vous, on est comme ça, nous les femmes. Bref. Je trimbale donc aujourd'hui ma jolie petite personne sur les grands boulevards où se succèdent les magasins.

J'aurais voulu que Blake m'accompagne shoppinguer - Verbe relatif au shopping. - , mais elle n'avait pas le temps pour l'instant. Elle me rejoindra peut être plus tard, ou... Ou peut être pas, mais on verra, de toute façon j'ai pas besoin d'elle pour acheter des escarpins, même si je reconnais son goût très sûr. Mais bon le mien aussi il est très sûr. Donc bon. Hum allez je vais entrer dans celle là. La devanture me plait bien. Puis dans la vitrine y'a des belles choses exposées.

Prenant une paire dans la main, je souris, hilare. Elle est pas mal celle là. Puis je relève la tête parce que j'ai entendu un bruit louche. C'est un gars qui a l'air de me fixer avec insistance. Je le connais pas. Oh... Mais attendez... Derrière lui là bas... Ce serait pas... George ? LE George du Nespresso ? Euh enfin, le George de mon enfance quoi. Mon idole. Décidément il me surprendra toujours... Je sais pas si j'ai le droit de l'aborder comme ça... Allez, je tente le coup. « C'est bien la première fois que je vois un homme s'extasier devant une paire de Jimmy Choo. » Je souris légèrement, encore une fois. C'est un peu frontal et grossier, mais après tout... Si les rumeurs sont vraies, il est sympa, alors voilà. Et puis j'ai envie de parler.

Il existe, dans la vie, un tas de clichés qui ont la vie dure et qui sont plus ou moins justifiés. L'un d'eux concernait les hommes et les magasins. Le cliché voulait que le sexe masculin détestât ce genre d'endroits... C'était peut-être vrai, pour certaines boutiques. George, par exemple, n'aimait pas du tout les grandes surfaces, mais il appréciait encore relativement bien les boutiques plus conviviales, les petites échoppes italiennes quand il était au bord du lac de Côme, les magasins plus classes quand il était à Los Angeles. En soi, ce qu'il n'aimait pas, c'était peut-être surtout les lieux où se pressaient trop de gens dans trop de rayons avec trop de choses... à force, on ne savait pas où on était censé regarder et cela pouvait devenir gênant.

Bref... ce jour-là, Clooney n'avait ni envie ni besoin de réellement faire des courses. Mais il avait envie de se faire plaisir. Et pour cela, quand on a un compte en banque comme le sien, on n'hésite pas à dépenser. La dépense, en tant que telle, cela procure toujours un sentiment de bien-être proche de la sérénité... L'homme comprenait la gent féminine qui préférait s'offrir une journée de shopping et de nouveaux vêtements plutôt qu'une thérapie avec un psy. Elles y gagnaient sur tous les plans, au moins. Sauf peut-être celui des finances, mais là, c'était une question de calcul.
Lui n'avait pas ce problème. En réalité, il était même souvent arrivé que l'homme s'offrît des souliers ou des costumes, des chemises ou des cravates qu'il n'avait, finalement, jamais portés... ou une ou deux fois. D'aucuns diraient qu'il pouvait se le permettre... mais il n'était pas trop de cette mentalité. C'était d'ailleurs une des raisons qui l'avait finalement poussé à en avoir marre d'Elisabetta, il y a quelques années.

Aujourd'hui, le programme n'était pas vraiment défini. Flâner, simplement, devant les vitrines et s'arrêter juste lorsque quelque chose attirerait son regard. Les achats... ce serait une question de coup de coeur. Sans ça, l'homme ne prendrait sans doute rien.

Les mains dans les poches de son pantalon à la coupe italienne, Clooney marchait donc sans but précis. Il avançait, regardant à gauche et à droite, mais sans avoir vraiment le palpitant qui se mettrait à battre la chamade pour quelque chose. Peut-être rentrerait-il bredouille...

... ou pas.
Ce ne fut pas un objet, ni un plat, ni des friandises, ni des vêtements, ni rien de tout cela qui poussa George à s'arrêter. Non, c'était une voix qui parlait d'un type dont les yeux avaient semblé être sur le point de sortir de leurs orbites en fixant... une paire de Jimmy Choo?
L'acteur haussa un sourcil en observant son interlocutrice, puis il esquissa un sourire en coin.

"Êtes-vous certaine que ce sont ces chaussures qui ont provoqué l'extase ? J'ai un léger doute..."

Les chaussures en question étaient, en effet, entre les mains d'une jeune femme qui arborait des arguments bien plus enclins à provoquer une extase chez un homme. A moins que l'autre type n'eût un fantasme étrange où il serait question de se faire marcher dessus avec des Jimmy Choo...

Plantée devant George comme un radis en terre... Enfin, un radis séduisant - je venais d'ouvrir la bouche pour lui parler d'extase. Et justement, je me sentais toute petite par rapport à lui. Lui, le fantasme de tant de femmes... Et il était devant moi. Dans une de mes boutiques préférées qui plus est. Je souriais avec béatitude. Je devais avoir l'air un peu stupide la bouche béante et les yeux pétillants d'admiration et de surprise totale. « Eh bien... Que pourrait-ce être d'autre que ces petites merveilles à talons ? » Je m'approchais de lui timidement, en faisant balancier avec ma tête, de droite à gauche comme une pendule. « Je ne voulais pas paraître grossière monsieur. » Et en marmonnant. « Je vous prie de m'excuser. Je vous ai abordé parce que... J'ai pensé... Votre présence dans ce genre de magasin féminin m'a quelque peu... Disons que je ne m'y attendais pas. Mais je manque à tous mes devoirs. » Lui tendant ma main pour qu'il la saisisse. « Je m'appelle Leighton. »

Je n'étais pas vraiment le genre de filles à être introvertie et à ne pas se montrer. Et quand j'avais envie de discuter, je le faisais bien sentir. Quelques secondes s'écoulèrent avant qu'il n'attrape ma main. Poignée virile dis donc. Je me reculai alors, haussant légèrement les épaules, nonchalamment, avant de balader mes doigts sur les paires de chaussures exposées près de nous. Vraiment, c'est l'avantage quand on a de l'argent. On peut se les payer.

Puis, me retournant doucement vers l'homme, je fronçai les sourcils. « Je suis désolée, mais ça m'intrigue quand même. Est-ce que vous ne seriez pas... Acteur ? » Mordant mes lèvres, j'attendais la réponse. Même si au fond je pensais la connaître déjà. Ce genre de beau mec y'en a qu'un, et c'est George Clooney. Enfin bon, au cas où, des fois que sa doublure ait décidé de faire du shopping par ici, on ne sait jamais dans cette ville. Rajustant mon sac à main qui tombait sur mon avant bras, j'en profitai pour le fouiller et sortir quelque chose pour écrire. Je pouvais pas passer à côté de George sans avoir un autographe. Sauf que... j'avais pas de stylo. Ahhh, les sacs des femmes sont remplis de mystère... Mais jamais de stylo. C'est toujours comme ça. Du coup... Je sortis mon rouge à lèvre et arrachai une feuille vierge à mon calepin. Ça fera l'affaire.

Faire les boutiques, ce n’était pas l’activité préférée du quinquagénaire. Il était même plutôt du genre à laisser ses copines faire du shopping entre filles. Mais quand il avait envie de faire un peu les magasins, alors il était capable d’y passer un certain temps, voire, même, un temps certain. Ce n’était pas un passe-temps pour l’homme. Pas plus qu’une thérapie. Il n’allait dans les galeries commerçantes que lorsqu’il avait besoin de quelque chose.
Peut-être George avait-il était bien inspiré de venir là aujourd’hui. Ou pas. En tout cas, il venait de rencontrer une jeune femme rayonnante qui semblait ne pas manquer d’humour. En plus, elle était plutôt jolie. Allez, ça pouvait bien être le début de quelque chose, non ?

Face au sourire de la demoiselle, Clooney ne put réprimer le sien. Sa bouche se fendit en même temps que la jeune femme s’approchait de lui en jouant au métronome. "Et si c’était vous qui provoquiez cette extase ?" Savait-on jamais… Les femmes n’estimaient pas toujours à sa juste valeur leur pouvoir de séduction et d’attraction.

L’interlocutrice de George commença alors à lui présenter des excuses, pour des raisons quelque peu absconses, et l’homme haussa un sourcil. Grossière ? Pas du tout… Etait-elle si peu confiante en elle pour penser qu’elle avait pu être impolie ?
L’homme prit la main qui lui était tendue et la serra chaleureusement.

"Leighton… Eh bien... Enchanté !" Il n’eut guère le temps d’en dire plus que la demoiselle reprenait déjà la parole, elle avait parlé de la présence du quinquagénaire en ces lieux et elle embrayait déjà sur la question traditionnelle qui donnait toujours envie à George de faire semblant d’être un sosie de lui-même. Pouvait-il se permettre de feindre quelque chose d’aussi gros ?

"Une chose à la fois, si vous le voulez bien…" Il sourit à nouveau et lâcha, comme si c’était quelque chose de parfaitement normal et que cela allait de soi : "En fait, je cherche des sous-vêtements affriolants pour une amie. De la dentelle. Rouge bordeaux ou noire… j’ai du mal à me décider pour ces choses-là." Il haussa les épaules, puis continua : "Alors pour tenter d’avoir un coup de cœur pour l’une ou l’autre des couleurs, je me suis dit que je devais aller faire un tour, voir autre chose… Avec un peu de chance, j’aurais comme un flash, vous ne pensez pas ?"

Elle farfouillait dans son sac, cherchant Dieu seul savait quoi… puis elle sortit un petit carnet et du rouge à lèvres.

"Vous pensez que je suis acteur ? Qu’est-ce qui vous fait dire ça ? Je suis peut-être juste un type de la cinquantaine, qui cherche à pimenter sa vie sexuelle en venant flâner dans des magasins féminins…"

Clooney avait beau avoir cinquante-deux ans, il y avait des choses pour lesquelles il était encore un vrai gamin. Et ce petit jeu sur sa propre personne, ça l’amusait toujours un peu plus qu’il ne l’aurait jamais avoué.
D’un geste du menton, il indiqua le rouge à lèvres qui se trouvait dans la main de la jeune femme.

"Vous voulez que je vous embrasse ?"